La
mauvaise idée
(Une petite histoire, dans un endroit, quelque
part)
Sais-tu
ce que deviennent les idées que l’on ne trouvait pas bonnes ?
Tu
crois qu’elles ont simplement disparu de l’esprit du monde et que plus personne
ne les croise jamais ?
Anya
est déjà une grande idée, elle devrait faire attention, ce n’est plus une
petite idée, elle doit servir à quelque chose maintenant !
Anya,
c’est l’idée du professeur Tagochi ! Avant, Tagochi avait beaucoup
d’idées mais maintenant il se fait vieux, il n’a plus l’envie. Il a de moins en
moins d’idées. Anya souffre du problème de toutes les idées : elle n’a pas d’idée sur ce qu’elle pourrait faire. Alors elle accroche inlassablement aux murs des posters de meilleurs idées qu’elle.
En
la voyant faire cela toute la journée, les assistants du professeur Tagochi
passent leur temps à la critiquer.
Le
docteur Ténia : mais elle n’a pas bientôt fini ? Je me demande quelle
idée elle a derrière la tête ?Le docteur Galexei : vraiment professeur Tagochi, vous avez encore eu une drôle d’idée !
Le docteur Robotnik : quelle idée d’accrocher toutes ces affiches !
Le docteur Grey : vous n’avez pas le monopole des bonnes idées docteur Robotnik !
Le
professeur Tagochi arrive alors dans la chambre, il est bien contrarié que ses
assistants critiquent son idée. Il regarde Anya et lui dit d’un ton
ferme : « tu n’as pas envie de te comporter enfin comme une
bonne idée? Tu sais ce qui arrive aux mauvaises idées ? Elles finissent au
fin fond du tunnel de l’inconscience ! »
Si
le professeur Tagochi est aussi strict avec Anya, c’est parce qu’il a déjà
perdu une idée dans le passé. A cette époque il avait beaucoup d’idées, tout
le monde avait beaucoup d’idées. Il faisait bon vivre en ce temps là, les
affaires marchaient bien, n’importe quelle idée faisait l’affaire. C’était le
temps de gloire du royaume du prince Cortex. Puis la crise est arrivée, sans
prévenir, les gens n’avaient plus le temps pour les nouvelles idées, il n’y
avait de la place que pour les très bonnes !
Alice
est née à cette époque, ce fut la dernière idée saugrenue du professeur
Taguchi. Alice était une jolie petite idée bizarre : c’était le croisement
entre le petit chaperon rouge et le grand méchant loup ! Avant cette idée
aurait sûrement intéressé quelqu’un. Mais maintenant, depuis la disparition du
prince Cortex, il y a une loi très dure qui chasse et élimine les idées
inexploitables !
Les
larmes aux yeux, Taguchi a du se séparer d’Alice. Et il ne veut pas que ça
recommence avec Anya qui est quand même une idée plus raisonnable. Anya ne réagit plus quand on lui fait des reproches, elle ne voit pas en quoi ses idées sont mauvaises, d’autant plus qu’elle n’a pas d’idée.
Soudain,
de l’extérieur, on entend beaucoup de bruit, de la musique ! Ils ouvrent
la fenêtre et regardent au dehors. Le docteur Robotnik s’exclame :
« mais oui ! C’est aujourd’hui le grand défilé de la foire aux
idées ! »
En
ouverture du festival, arrivent deux sumo policiers sur de toutes petites motos
criant « attentionnnnn ! Pousseeeeeez vouuuuus ! » « Hum ! Drôle d’idée ! » Fait le docteur Grey.
Arrive alors dans un incroyable costume fluo, le leader de la file des musiciens en fanfare qui malgré son apparence physique loufoque demande aux gens « ne rigolez pas ! Ne rigolez pas ! » De plus, il est escorté de deux majorettes gardes du corps ce qui rend la scène encore plus cocasse.
Et que dire des musiciens qui se gonflent et dégonflent comme des baudruches en soufflant dans leurs instruments !
Bref ce festival est une succession d’animaux, de gens, de véhicules tous plus déjantés les uns que les autres.
Taguchi et ses assistants sont vraiment surpris : « mais qui a pu avoir ces idées de dingue ? » «Ce sont les idées les plus folles que j’ai vues depuis longtemps ! » Taguchi lance alors : « quelque chose est en train de changer ! J’ai une idée, allons voir ce festival ! »
Ils vont tous dans la voiture : Anya est vraiment intéressée par cette foire aux idées. Elle se sent enfin à sa place dans ce monde.
Alors
que le véhicule arpente les rues, en queue de cortège, il croise un étrange
attelage : un carrosse royal tiré et entouré de gardes centaures. Dans le
carrosse, on distingue difficilement un jeune homme brun couronné prenant une
posture impériale.
Le
docteur Galexei est le premier à oser dire ce que tous pensaient :
« c’est le prince Cortex ! ». Le grand monarque autrefois déchu,
propriétaire des terres de l’imaginaire, seigneur des idées avait enfin repris
le pouvoir aux sombres bureaucrates du besoin.
Alors
que le carrosse s’éloignait, Anya a alors l’idée de sauter du véhicule bloqué
par la foule pour poursuivre le carrosse royal ! Elle entend au loin
Taguchi essayer de la rappeler mais elle ne veut plus perdre de temps sur
l’impact de ses idées, si elle ne s’arrête pas de courir, elle perdra le
carrosse de vue.
Anya
est quand même une idée qui va vite, avant qu’elle ne s’en soit rendue compte,
elle a atteint l’extrême périphérie de la ville. Arrêtés dans un square perdu,
les centaures qui tiraient le carrosse s’abreuvent. Mais le véhicule était vide !
Un des centaures la regarde en souriant et lui indique la direction d’un
tunnel.
Anya
hésite, elle connaît les dangers des tunnels de la périphérie. Depuis sa
création on lui dit qu’il n’y a pas de place pour les mauvaises idées au-delà des tunnels de
« conception ». Mais Anya est une idée coriace et elle s’engage dans
le tunnel, elle marche longtemps et arrive soudain à un croisement. Elle
redoute cet endroit, sur la gauche il y a de petits tunnels de
« réalisation » mais devant il y a un immense tunnel obscur dont les
bords sont étrangement sculptés et envahis par la végétation.
C’est
le tunnel de l’« inconscience », là où le professeur Taguchi lui avait
souvent dit qu’elle finirait !
Anya
est bloquée devant cet immense tunnel quand soudain devant elle surgit une
grande et très jolie idée. Sous les traits d’une jeune fille vêtue de rouge,
l’idée la regarde en souriant puis d’un coup elle se transforme en loup !
Anya sursaute, l’idée reprend sa forme originale et rigole. Anya la reconnaît
alors, il s’agit d’Alice la petite idée que le professeur Taguchi avait eu il y
a longtemps. Maintenant elle est devenue une grande idée !
Alors
que les drôles d’idées étaient chassés par les bureaucrates du besoin, le
professeur Taguchi avait abandonné Alice dans le tunnel de l’inconscience.
Pendant des semaines elle avait marché dans le vieux tunnel mystérieux. Arrivée
au bout elle avait trouvé le trône vide du feu prince. Mais le sang royal est
immortel ! Et le fantôme du prince enfant lui avait demandé « que se
passe t’il ? Tu es un fantôme ? » Alice lui
répondit : « non c’est toi le fantôme ! » Puis en lui
lançant de la boue sur ses luxueux habits, le prince sortit de sa torpeur, il
était temps pour lui de revenir chez les vivants. C’est ainsi qu’il tomba amoureux
de la petite idée incongrue et ils grandirent tous les deux à l’abri dans les tunnels de l’inconscient. Attendant
le jour où l’imaginaire règnerait de nouveau en maître.
Mais
aujourd’hui, le jour est venu pour Alice de réaliser son destin. Elle prend
Anya par la main et se dirige vers les tunnels de la réalisation. Avant de
quitter ces terres, Alice jette un dernier regard vers le fond du tunnel de
l’inconscient. Au fond du tunnel, siégeant majestueusement sur son trône, le
prince est triste mais satisfait. Attendant impatiemment ce que donneront ces
deux idées folles.
Taguchi
ne revit plus jamais Anya. Mais assez bizarrement, depuis son départ, le vieux
professeur a retrouvé confiance en lui. Il commence même à avoir de nouveaux
des idées originales. Il congédia donc ses assistants et ne laissa plus rien
entraver son imagination.
On
raconte depuis que seul le prince Cortex sait ce que deviennent les idées qui
passent par les tunnels de « réalisation ». On raconte aussi que le
prince rode souvent à la croisée des tunnels, les yeux remplis de nostalgie
attendant on ne sait quoi…….
Si
au bout de cette étrange histoire, vous n’avez pas compris que tout ce petit monde fonctionne
comme l’imagination d’un cerveau humain, c’est que vous avez des idées très
arrêtées sur les choses mes amis !
Fin (ou commencement).
Giovannoni Julien. 2008
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